Calvin Elias Harper, pour vous servir. || 60%

Je suis vraiment le mec le plus niais de la ville. Voir même du pays ou encore de la Terre entière. Je me demande encore comment j’ai pu me retrouver à dire une chose pareille. D’habitude, quand je suis en face d’une jeune fille, je perds pas mes moyens. Mais avec Loreley, c’est différent. Ca a toujours été différent en faite. Mais je ne m’en suis jamais plein. C’était nouveau pour moi, ce manque d’assurance. Je suis plutôt du genre dragueur, il faut l’avouer. Mais quand je l’ai vu, là, à regarder un peu partout, l’idée de la draguer ne s’est pas manifestée. Etrange. S’il n’y avait pas eu cette histoire, je pourrai affirmer que nous étions comme des âme sœurs. Et non, je n’exagère pas. Lorsqu’on se retrouvait, on pensait sans cesse aux mêmes choses, on avait les mêmes habitudes, que ce soit vestimentaires ou culinaires. Les mêmes goûts, les mêmes passe-temps… Et bien que je ne lui ai jamais vraiment avoué, j’adorais ce qu’elle peignait. A plusieurs reprises, je les ai prises en photos, ces toiles qu’elle cachaient, pour les avoir près de moi. Elle me rappelait leur auteur, lorsqu’elle n’était pas à côté de moi en chair et en os. Un soupçon de désespoir m’envahit lorsque je la vois se lever. Mais sa voix, aussi douce et suave que dans mes souvenirs, me rassure et me dit qu’elle revient. Ce que j’aimerai avoir un mur assez proche de moi pour fracasser ma stupide cervelle et tenter de remettre de l’ordre dans mes pensées. Jamais je n’aurai pensé me retrouver dans un état semblable à celui-ci pour une fille. Mais il faut bien avouer que je l’avais cherchée cette situation. J’ai mis fin à notre idylle sans l’ombre d’une explication et je m’en mords les doigts. Ce qui m’étonne encore, c’est le fait qu’elle ne m’ait jamais demandé de me justifier. Peut être qu’elle se doute que je n’ai aucune explication à lui fournir. Mais j’en ai une. Et je serai ravi de la lui dire. Seulement, j’ai peur de sa réaction. Et en y repensant, j’en ai même deux. Ma tête est lourde, je la laisse retomber dans mes mains en attendant que Lo’ ne revienne. Je n’ai pas eu à attendre longtemps, le service du Starbuck est bien trop rapide. Un petit répit de quelques minutes aurait été le bienvenue, croyez moi. La belle retrouve sa place en face de moi, je relève la tête et frotte ma joue pour éviter qu’elle ne rougisse encore plus. Je tente de retrouver un sourire naturel, mais sa phrase me désarme totalement. Trois mots, et me voilà brisé en mille morceaux. Trois mots et ma vie pourrait prendre un nouveau départ. Trois mots que j’ai toujours rêvé d’entendre de sa bouche, depuis le jour où je l’ai quitté. A cet instant précis, je n’ai qu’une envi. Me lever, la prendre dans mes bras et l’embrasser, comme si nous nous retrouvions quelques mois auparavant, lorsque nous vivions un bonheur intense. Mon pied accélère le rythme sous la table. Je m’efforce de penser à autre chose pour que mes pensées ne se traduisent pas en actions irrémédiables. Bien sûr, j’ai rêvé. Elle ne voulait pas dire ceci. Elle se reprend et balbutie quelques phrases, mais je ne les entends pas. Mon esprit est resté bloqué sur les trois mots précédents. Je la dévisage, comme si je la voyais pour la première fois. Malgré son léger maquillage, j’aperçois que la roseur de ses joues s’est accentuée. J’aimerai pouvoir sourire, lui attraper ses jolies pommettes et lui dire que ce n’est pas grave. Qu’elle me manque elle aussi. Elle souhaite orienter la conversation sur un autre sujet. Tant mieux pour nous. Qui sait ce qu’aurait donné une aventure sur un terrain aussi glissant que celui des sentiments et de la nostalgie ? Qu’est-ce que je fais maintenant ? Et bien j’essaye, de par mes regards de te dire que je suis désolé d’avoir réagit aussi brutalement, que je veux ressentir ta présence dans mes bras et que j’aimerai tant déposer de tendres baisers sur ta peau si douce…

« Euhm… Je passe ma main dans mes cheveux, essayant de retrouver le dernier événement intéressant de ma vie. J’entame ma troisième année au Conservatoire et j’envisage de monter un groupe. Après, je ne sais pas du tout ce que ça va donner. Il me semble que Mike, tu te souviens de Mike non ? Pourrait éventuellement me rejoindre et inviter un de ses amis pour compléter le tout… »

Et voilà, je m’enflamme, mes mains partent dans tous les sens, illustrant, ou non, mes propos. Dès qu’une conversation touche à la musique, je parle pendant des heures, c’est plus fort que moi. Que ce que je raconte soit facile à saisir ou non, je m’en fiche, j’ai besoin d’en parler. J’oublis le monde qui m’entoure au profit de ma passion. Je parle, et je m’enfonce, je ne me rends pas compte que je l’ennuie. Du moins, je pense que je l’ennuie. Je sais qu’elle aime la musique, mais sûrement pas au point de m’entendre parler de ça pendant le moment qui était censé aborder la raison de notre rupture. Je vois que quelque chose la tracasse dès l’instant où elle repose son café sur la petite table ronde. Je m’interrompt dans mon récit, et la regarde, inquiet. Il ne s’agit pas seulement du café, même s’il est vraiment noir, il y a autre chose. On la croirait sur le point d’exploser. Mais il ne me faut pas longtemps pour me rendre compte que cette chose qui l’embête, c’est moi. Ou plutôt ce que j’ai fais. Bien que son allure soit nonchalante, avec ce coude magnifique sur lequel repose sa tête fatiguée, je sens qu’il y a un problème et pas des moindres. J’ai préféré me taire, et j’ai bien fait. En peu de temps, elle me submerge de question, toutes plus saugrenues les unes que les autres. Je voudrai me lever et la secouer, lui faire entendre la vérité, mais je ne peux pas. Comment expliquer ce renversement de situation ? Je l’ai quitté et je voudrai qu’elle retombe dans mes bras comme s’il n’était rien arrivé ? C’est impossible et je le sais. Mes yeux doivent paraître étonnamment grand, face à ce flot de questions. La plupart parle d’une autre femme qui l’aurait remplacée, ou d’un manque de sa part. Tandis que j’écoutais ses dernières paroles, je préparais ma réponse. Je ne voulais pas de mélodrames, mais je ne voulais pas non plus qu’elle pense que je suis un lâche incapable de justifier ses actes.

« Loreley… Je cherchais les mots les plus justes. J’ai pas mis de point final à notre relation. Je ne suis sûrement pas aussi fort que tu le crois. Premièrement, tu as toujours été là pour moi. Jamais je ne t’ai trouvée trop collante ! Je ne regrette pas ces moments d’affections quasi permanent. Tu me plais encore Loreley, tu n’as peut être pas conscience de l’emprise que tu as sur moi depuis notre première nuit. Mais je te le jure, je ne me suis pas lassé de nous. Pourquoi serais-je resté un an à tes côtés si je ne voulais que du sexe ? Je suis peut être un coureur de jupons, du moins je l’étais, mais je ne ferais jamais de pari sur une femme. Je sais le mal que ça fait. »

Je prends le temps de faire une pause, plutôt satisfait de ce que je viens de dire. Elle est toute déboussolée et je la comprends. Autant de questions à la fois, il y a de quoi être sans dessus dessous. Je ne pensais pas qu’il y en aurait autant, mais en les repassant en boucle dans ma tête, elles sont toutes normales. Par contre, il y a une chose que je n’accepte pas dans ce qu’elle a dit, et je ne compte pas me priver de le lui reprocher.

« Et tu n’es pas minable ! Arrêtes avec cette histoire, on en a déjà parlé ! J’admire ton talent, tes peintures sont loin d’être minables. Si seulement tu te décidais à les exposer, tu réaliserais que tu es talentueuse… Et personnellement, j’aime bien les fringues que tu vends, et ce que tu portes quand tu les vends… »

Toujours terminer sur une note humoristique. Pourquoi ? Aucune idée, c’est Mike qui me l’a conseillé. Espérons que cela fonctionnera avec Loreley. Je ne voudrais pas me la mettre à dos maintenant, cela voudrait dire que j’ai échoué et que je ne la reverrai plus.